Bizarrement, la serveuse du McDrive n’a pas eu l’air si surprise que ça. Pourtant, on ne doit pas souvent lui commander de menu depuis une Aston Martin Rapide, surtout qu’on est en pleine Seine et Marne. Mais peut-être n’avait-elle pas compris qu’elle avait face à elle une vraie rareté anglaise, s’attaquant aux réputées Maserati Quattroporte et autres Porsche Panamera. A-t-elle des armes suffisamment aiguisées ?

L’Aston Martin Rapide côté technique

Fondamentalement, la Rapide est une DB9 rallongée, mais on aurait tort de la réduire à cela. Certes, elle en

reprend aussi le V12 5.9 de 577 ch (600 Nm de couple), conçu à Gaydon mais assemblé à la main à Cologne. Certes, elle recycle la remarquable boîte automatique ZF à 6 rapports et convertisseur hydraulique, dénommée ici Touchtronic 2 et associée à des palettes. Mais elle bénéficie d’améliorations côté châssis (doubles triangles aux 4 coins), notamment en ce qui concerne la direction, dérivant de celle de la DBS, et l’amortissement électronique ADS, à la programmation optimisée. De plus, la Rapide inaugure chez Aston Martin des freins bimatériaux, associant fonte et aluminium, réduisant jusqu’à 20 % les masses non suspendues, améliorant la puissance de ralentissement et résistant plus vigoureusement à l’usure.
Très rigide, le châssis ne se tord que sur 1 degré si on lui applique une force de torsion de 28 000 Nm : une bonne performance vu la longueur de 5 019 mm de la bête. Réalisé en aluminium, il ne permet toutefois pas à la rapide de revendiquer un poids très intéressant, puisqu’à 1 990 kg, elle ne distingue ni d’une Quattroporte, ni d’une Panamera. On retrouve l’aluminium dans la composition des 4 portes et du toit, tandis que les ailes avant recourent à un composite et la partie arrière à de l’acier.

A bord de l’Aston Martin Rapide

Les stylistes ont fait un travail remarquable pour dissimuler visuellement la longueur de la rapide, avec notamment cette moulure latérale prolongeant la prise d’air de l’aile avant. L’ensemble demeure classique, genre que l’on retrouve dans le cockpit, où la planche de bord rappelle furieusement celle de la DB9. Et de la V8 Vantage. En fait, Aston conserve un même dessin de base, qu’il adapte ensuite à tous ses modèles. On goûtera particulièrement sur cette berline le soin tout particulier apporté au design des détails, comme celui des poignées de maintien aimantées, de la touche servant à rabattre les sièges arrière ou encore du magnifique combiné-instruments.
La Rapide étant assemblée à Graz, en Autriche, les esprits simplistes auront vite fait de croire qu’elle profite d’une rigueur germanique infaillible. Le fait est que si les matériaux mêlant cuir et aluminium affichent une qualité enviable, leur assemblage se révèle parfois aléatoire. Sur une voiture à 180 000 €, une moquette qui baille autour d’un caisson de basses situé aux pieds du passager avant, ça fait tâche.

A l’avant, on peut sans souci se concocter une bonne position de conduite, mais c’est à l’arrière qu’il est intéressant de tester la Rapide. Alors, 2+2 ou vraie 4-places ? Entre les deux. Si l’équipement proposé aux passagers postérieurs suscite l’envie (clim indépendante, lecteur de DVD télécommandé), l’espace dévolu reste mesuré, plus que dans une Maserati GranTurismo par exemple, et les sièges (dotés de point d’ancrage isofix) assez peu confortables. Rabattables, ils permettent de porter la contenance du coffre de 317 à 886 litres. Si l’espace dégagé n’est pas plat, la longueur ainsi obtenue permet d’embarquer des objets d’une bonne longueur.
J’ai tâtonné un bon moment avant de trouver le chargeur de DVD (optionnel): pour y accéder, il faut tirer sans vergogne sur un des panneaux moquettés du coffre, retenus simplement par des aimants.
Côté équipement, c’est le grand luxe : cuir, sièges électriques et chauffants, clim trizone, GPS à disque dur, Bluetooth, régulateur de vitesse, hifi Bang et Olufsen (à la sonorité sublime), mais se servira-t-on de cette dernière sachant qu’un orchestre à 12 cylindres se cache sous le capot ?
Sur la route avec l’Aston Martin Rapide

Aston Martin oblige, on insère une ECU (Emotion Control Unit), sorte de parallélépipède, au centre du tableau de bord et le V12 s’éveille, dans une sonorité douce et sophistiquée. Il se trouve encadré de 4 touches, commandant la boîte automatique. J’appuie sur D, le frein à main automatique se déverrouille et je me lance dans Paris. Les faibles surfaces vitrées s’allient au reflet du tableau de bord dans le pare-brise pour limiter la vision, aussi est-ce avec un certain soulagement que j’aborde l’autoroute A4. Si en ville, j’ai pu apprécier la douceur de la boîte et la docilité du moteur, là, j’ai envie de tout autre chose.
Je place la boîte en mode ‘Sport’, et je mets pieds dedans. Elle tombe en un éclair deux rapports (sans secousse), ou bien réagit instantanément aux palettes, et le moteur me catapulte en avant. Avec force, mais pas avec rage, aussi le plaisir est-il plus intellectuel que sensoriel : on ne se sent pas collé au siège. Par contre, quelle sonorité ! La sophistication laisse la place à une colère feutrée, rappelant tout de même certaines beautés courant au Mans Classic. Jouissif.
Je sélectionne aussi le mode Sport de la suspension : le confort devient plus ferme, les quelques mouvements chaloupés ont disparu et on se sent pleinement en contrôle de la bête, d’autant que la direction se révèle très informative.
Personnellement, j’adore cet ensemble relativement ferme et sonore (encore que le passage des roues sur la chaussée pourrait être mieux étouffé), mais ceux qui s’attendent à douceur pullman devront aller chez Jaguar. Ici, on vit la route.
Filant droit comme un I en ligne droite, la Rapide s’avère très stable en virage grâce à son empattement long (3 m), tout en offrant une bonne précision, bien meilleure en tout cas que celle de n’importe quelle limousine. Sur départementale, elle s’inscrit en virage sans paresse ni agressivité : tout est ici judicieusement dosé pour faire de cette berline une magnifique GT au long cours. Seul ennui, la Maserati Quattroporte ajoute à un mix comparable un côté joueur et mobile absolument incomparable, dans un confort et une habitabilité nettement supérieurs…
Il n’en demeure pas moins que l’Aston adore aussi cruiser nonchalamment, avec sa mécanique à l’onctuosité fabuleuse et la suspension relativement prévenante. Un ensemble à l’homogénéité formidable mais qui manque tout de même de piment.

Verdict

Après cet essai, je ne sais toujours pas à qui s’adresse la Rapide. Aux papas fortunés souhaitant embarquer la petite famille. Pourquoi pas, sauf que les enfants devront rester petits et ne pas emporter trop de jouets. Aux amateurs de GT ? Ils seront ravis, sauf s’ils ont envie de petits moments d’exaltation ultime avec leur machine. Aux esthètes ? Finalement, ce seront eux les plus attirés par cette auto aussi élégante que raffinée et discrète.
A 181 000 €, elle souffre de défauts d’assemblage inacceptables, que le réseau rechigne parfois à résoudre, d’après ce que des lecteurs d’evo nous ont rapporté. Selon Aston, c’est du passé. Avec un peu plus de folie mécanique, la Rapide permettrait d’oublier totalement ce genre de désagrément, alors à quand le moteur de la DBS ?
S.S.


Essai d'exception : Aston Martin Rapide, l'autre crème anglaise
Moteur V12 Emplacement Longitudinal avant Cylindrée 5 935 cm3 Bloc Alliage d'aluminium Culasse Alliage d'aluminium, 4 ACT, 48 s Alimentation Gestion électronique, injection multipoints Puissance Maxi 477 ch à 6 000 tr/min Couple maxi 600 Nm à 5 000 tr/min Transmission Boîte 6 auto, propulsion, diff. à gliss. limité, ESP Suspension avant Doubles triangles, ress. hélic, amort. actifs, barre antiroulis Suspension arrière Doubles triangles, ress. hélic, amort. actifs, barre antiroulis Freins Disques ventilés bi-matière, AV: 390 mm, AR: 360 mm, ABS Jantes AV: 8,5 x 20, AR: 11 x 20, alliage d'aluminium Pneus AV: 245/40 ZR20, AR: 295/35 ZR20, Bridgestone Potenza S001 Poids 1 990 kg Poids/puissance 4,17 kg/ch 0 à 100 km/h 5,3 sec Vitesse maxi 303 km/h (constructeur) Prix de base 181 000 €
Moteur90%
Comportement85%
Qualité & Design80%
Confort & Pratique80%
Emotion80%
LES +
  • Style
  • Moteur raffiné
  • Châssis très rigoureux
LES -
  • Détails d'assemblage
  • Léger manque de piment
83%Note Finale
Note des lecteurs: (4 Votes)
93%

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