Annoncée par le concept C-X16 l’an dernier, la nouvelle F-Type entend offrir à Jaguar une clientèle nouvelle à 90 %. Il faut dire que la marque, toutes proportions gardées, n’a plus produit ce genre de roadster depuis la… SS100 d’avant guerre ! Mais ce magnifique joujou dessiné par Ian Callum et son équipe a-t-il les moyens de ses ambitions ? Direction les routes du Pays Basque espagnol pour en juger

Technique

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la F-Type n’est pas une XK rhabillée. Sa plate-forme a certes été conçue sur le modèle de cette dernière, mais elle lui est spécifique, ne serait-ce que par ses dimensions plus contenues. Réalisée en alliage d’aluminium (collé et riveté mais jamais soudé), à l’instar de la carrosserie, elle ne pèse, nue, que 261 kg tout en offrant une rigidité de haut niveau. Au total, le poids s’élève à 1 665 kg tout de même, contre 1 485 kg à Porsche 911 Carrera S cabrio PDK (concurrente souvent citée chez Jaguar).
La F-Type inaugure des moteurs V6 qui vont se retrouver sous le capot des berlines Jaguar. Ils dérivent du V8 5.0 déjà vu dans les XK et XF, à présent dans sa 3ème génération. Et c’est lui qui, fort d’un compresseur permettant une puissance de 495 ch (pour 625 Nm de couple), anime notre modèle d’essai. D’où un rapport poids/puissance de 3,36 kg/ch, meilleur que celui de la Porsche. Ce propulseur s’attèle exclusivement à une boîte automatique ZF à 8 rapports dotée de palettes et envoie logiquement sa puissance aux roues arrière, gérées par un vrai différentiel à glissement limité (verrouillant de 0 à 100 %).
D’origine, la suspension à doubles triangles avant et arrière reçoit des amortisseurs actifs à 13 capteurs mais ce qui retient l’attention, c’est la décision de Jaguar de ne pas sacrifier l’agrément de la direction pour quelques malheureux grammes de CO2. En effet, l’assistance, variable, demeure 100 % hydraulique (système Servotronic de ZF) pour préserver le toucher de route. C’est un détail me direz-vous, mais il résume très bien la philosophie de cette voiture, toute entière vouée au plaisir plus qu’à la performance pure, même si les chiffres annoncés sont d’un niveau très respectable, avec un 0 à 100 km/h en 4,3 sec et une vitesse maxi limitée (!) à 300 km/h…

Au volant

Avant de m’installer au volant, je n’ai pu résister à l’envie de contempler cette carrosserie sublime. Oui, c’est subjectif, mais tout de même, les stylistes, dirigés par Ian Callum, ont exécuté un travail qui force l’admiration. D’une part, cette robe repérable entre mille parle immédiatement aux sens, avec ses surfaces sobres et ses volumes… voluptueux. On est loin de la banalité d’une 911 ou de la complexité excessive d’une Ferrari California. D’autre part, le soin du détail satisfera l’esthète exigeant, avec cette ligne qui débute au bas du bouclier avant puis définit le contour du projecteur et de l’aile pour ensuite aller se perdre au bout de la portière. L’aile arrière, rebondie, arbore une crête centrale de toute beauté, qui a nécessité un usinage spécifique (8 coups de presse) et donne tout son caractère à la voiture. Enfin, la poupe arbore des feux effilés rappelant ceux de la Type-E ainsi que 4 sorties d’échappement, certes suggestives mais moins frappantes que les deux sorties centrales des versions V6.
Quant au cockpit, il joue aussi la carte du raffinement, mais avec plus de classicisme et certains détails déjà vus ailleurs, comme cette sorte de poignée sur le bas droit de la console centrale. En tout cas, la finition n’appelle pas la critique, non plus que la position de conduite, impeccable.

Pression sur le bouton de démarrage. Je vous avais dit que l’échappement disposait de valves améliorant la sonorité ? Non ? Eh bien j’aurais dû car mes amis, quelle musique ! Le V8 gronde et glougloute dès le démarrage, non sans rappeler une certaine AC Cobra… Je place le petit levier de vitesses (qui ressemble nettement à ce qu’on trouve chez BMW) sur D, et je quitte le parking de l’hôtel, à Pampelune. L’air est frais, vivifiant, et le ciel bien bleu. S’il n’y a pas de système de chauffage pour les sièges, la ventilation s’adapte automatiquement dès qu’on baisse la capote : des aérateurs jaillissent alors au-dessus de l’écran du GPS. On n’a pas froid.
Je roule tranquillement le temps que les fluides du V8 montent en température, et constate que l’instrumentation de bord est relativement pauvre. Mais le bruit du moteur reste envoûtant et dès le premier rond-point, j’apprécie la qualité de la direction. En mode standard, la suspension se révèle très agréable, mais bientôt, je sélectionne via un sélecteur rappelant le DNA d’Alfa le mode ‘Dynamic’ et prends le contrôle de la boîte via les palettes. Accélérateur acéré, amortissement durci, direction affermie et échappement (encore) libéré, je mets les gaaaaaaaaaz ! Léger trémoussement de la poupe, puis la voiture me colle au siège dans un hurlement profond, rageur et jouissif souligné par le léger miaulement du compresseur. Mieux, ça crépite joyeusement au lever de pied, voire détonne quand passe le rapport supérieur. Mais que c’est bon ! Surtout que ni les palettes ni la transmission ne manquent de réactivité. En outre, la boîte ne passe pas le rapport supérieur quand on bute sur le limiteur, aux alentours de 7 000 tr/min.

Dévoreuse de lignes droites, la F-Type V8 S se révèle, et là c’est une surprise, très à l’aise en virage, grâce à ses masses réparties également sur les trains. Quel équilibre ! Du coup, dans un tronçon ponctué d’épingles, je débranche l’ESP après une longue pression sur la touche ESC. Je prends soin de bien caler le museau – un chouia lourd – sur le point de corde et envoie les watts. La Jaguar survire joyeusement, mais sans vice aucun. Progressive, communicative, elle se place naturellement sur un angle de 15 % environ, et on l’y maintient pratiquement sans tenir le volant ! On relâche gentiment l’accélérateur, elle reprend sa ligne comme une fleur et on relance l’accélération, très vigoureuse à tous les régimes, jusqu’au prochain virage. Du roulis ? Quasiment pas. L’amortissement ? Rigoureux en mode ‘Dynamic’ mais jamais percutant. Les freins ? Puissants et relativement endurants malgré quelques odeurs suspectes, dotés en outre d’une pédale autorisant un dosage fin sans nécessiter un mollet de cycliste.
Par ailleurs, conçue dès le départ comme un roadster et non comme un coupé amputé de son toit, la Jaguar ne tremble pas du pare-brise, signe d’une structure très rigide qui permet aux suspensions de travailler sainement. Du coup, on peut aussi la mener proprement mais à la cravache, surtout que grâce à la direction précise, ferme et communicative, on sait toujours la réserve de grip des pneus avant. A la limite, la Jaguar sous-vire progressivement, mais un lever de pied permet de resserrer la trajectoire et là, une remise des gaz fait légèrement pivoter la poupe qui se place dans le sens de la sortie de la courbe. Tout ceci est sain, prévisible et facile.

Bref, voici une auto merveilleusement mise au point, formidable d’homogénéité, où la consistance des diverses commandes (volant, frein) s’avère franchement bien coordonnée. Je ne m’attendais pas à une mise au point aussi peaufinée, ni à un agrément que rien, absolument rien ne vient entraver. Voici aussi une voiture qui s’adresse aux vrais amateurs de conduite et pas aux geeks qui vont s’exciter sur un éventuel chrono réalisé sur le Nürburgring. Un pur plaisir des sens et d’essence, car la consommation dépasse allègrement les 35 l/100 km en conduite sportive. Cela dit, si on roule normalement (nous y avons été contraints car le réservoir de 70 l s’est vidé bien vite), elle chute à 12 l/100 km, une valeur tout à fait raisonnable (11,1 l/100 km annoncés). Et la F-Type distille alors un confort certain, voire ouaté capote en place.
Je sais, ce tableau est trop idyllique pour ne pas éveiller votre méfiance chers lecteurs, mais voilà, cette F-Type m’a surpris par sa rigueur, son agrément et la simplicité avec laquelle elle s’apprécie. Allez, un défaut : le GPS (tactile) est trop lent en ville, et parfois flou sur route. Et puis, j’aurais aimé profiter d’une boîte mécanique, tant qu’à faire dans les plaisirs simples. Pour le reste… Patron, une augmentation !

Face à la concurrence

Bizarrement, la F-Type n’a pas de concurrence directe. Jaguar l’a positionnée côté tarif entre la Boxster et la 991 (plus logeable que la Jaguar avec ses 4 places), espérant récupérer quelques clients rebutés par la forte augmentation du prix de cette dernière (120 056 € en Carrera S PDK cabriolet) mais souhaitant une auto plus raffinée que sa cousine à moteur central. 100 500 €, c’est une somme, mais les roadsters de près de 500 ch n’abondent pas à ce tarif. En fait, il n’y en pas d’autre ! Le SLK AMG de Mercedes ? Plus petit, moins puissant et moins raffiné. A rapport poids/puissance équivalent, on trouve bien la Morgan Roadster V6 à 72 000 €, mais il faut avoir envie de rouler dans une pièce de musée. La F-Type se crée donc une niche, et je pense que l’objectif d’environ 15 000 exemplaires annuels (200 pour la France) sera rempli.

Pour le reste

Même si Jaguar refuse de dire quand, la F-Type se déclinera en coupé, ce qu’est d’ailleurs le magnifique concept C-X16. On peut aussi s’attendre à des versions plus radicales. Détail qui ravira les écologistes amateurs de voitures de sport (moins polluantes que des 4L, suivez mon regard…), 50 % des éléments structurels de la F-Type sont recyclés.

 

Essai : Jaguar F-Type V8 S
Caractéristiques Moteur : V8, 5 000 cm3, compresseur CO2 : 259 g/km Puissance : 495 ch à 6 500 tr/min Couple : 625 Nm à 2 500 tr/min Vitesse maxi : 300 km/h (limitée) 0 à 100 km/h : 4,3 sec (constructeur) Prix de base : 100 500 € En vente : Maintenant
Moteur90%
Comportement80%
Qualité & Design90%
Confort & Pratique60%
Emotion90%
LES +
  • Agrément
  • Efficacité
  • Ligne
LES -
  • Pas de boîte mécanique
  • GPS un peu lent
82%Note Finale
Note des lecteurs: (7 Votes)
95%

13 Réponses

Laisser un commentaire