Rares sont actuellement les voitures à accuser dix ans d’âge. A la fin de l’année, l’Aston Vantage en fera partie mais à la regarder, elle n’a pas pris une ride. Cela en dit long sur la qualité de son dessin de base mais aussi sur le manque de créativité de nombre de ses rivales. Aujourd’hui, nous prenons le volant de l’évolution ultime de cette magnifique sportive, la V12 S. De plus, et, c’est une première, nous le confions à un lecteur qui nous donne son avis.

Technique

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Un énorme V12 rentré au chausse-pied. Mais quelle mélodie magnifique !

 

Le Groupe VW base pratiquement tous ses modèles sur une même plate-forme ? Aston aussi, sur sa structure modulaire VH en aluminium. Seul ennui, elle sert officiellement depuis déjà 11 ans puisqu’elle a en tant que telle été inaugurée par la DB9 en 2004. Sur la Vantage, c’est la première évolution qui est utilisée, intégrant du magnésium et des composites. Malgré des dimensions contenues (4,38 m de long), la voiture pèse tout de même 1 665 kg à vide, soit 45 kg de plus qu’une Ferrari F12 pourtant plus imposante et animée par un V12 plus gros.

L’Aston repose sur des suspensions classiques mais évoluées et éprouvés, constituées de doubles triangles à l’avant comme à l’arrière, complétés par un amortissement piloté à 3 lois. Les disques (398 mm de diamètre à l’avant) se composent de carbone-céramique et se voient pincés par des étriers fixes, à 6 pistons à l’avant contre 4 à l’arrière. Rien à redire.

Le moteur ? C’est encore et toujours le V12 AM11, apparemment développé par Cosworth sur une base Ford (ancien propriétaire d’Aston). Apparu dans la DB7 Vantage en 1999, ce bloc atmosphérique de 5 935 cm3 à injection indirecte développe ici 573 ch à 6 750 tr/min pour un couple de 620 Nm à 5 750 tr/min. Attelé à une boîte 7 robotisée à embrayage bi-disque (et non un double embrayage), Il emmène la V12 S à 328 km/h et la propulse de 0 à 100 km/h en 3,9 sec, selon les chiffres d’Aston. La conso ? C’est porno : elle s’élève à 14,7 l/100 km en moyenne normalisée, soit 343 g/km de CO2. Cela dit, vu les technologies employées, on s’attendait à pire. Mais il est temps de passer à table : il y a festin de cylindres.

Au volant

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Plaisir des yeux mais aussi des sens avec des matériaux nobles et très doux au toucher.

 

Pression sur le coin droit de la poignée. Elle jaillit, on la tire et la portière s’ouvre en décrivant un mouvement vers le haut. Outre une esthétique séduisante, ce mouvement a un bel avantage : il évite de racler le bas de l’ouvrant sur le trottoir, chose courante sur les voitures très basses.A ce moment, un petit bruit strident retentit, que les utilisateurs de Fiat mais aussi d’Alfa et de Ferrari à boîte robotisée mono-embrayage connaissent bien : celui de l’actuateur de pompe Magneti Marelli qui met le système en pression.

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Beaucoup de boutons : un moderne écran tactile permettrait de simplifier la console.

 

A bord, l’espace est très convenable (pour deux) et on trouve même un espace de rangement derrière les sièges. Ceux-ci, à réglages électriques tout comme le volant, permettent de trouver une bonne position de conduite. Et surtout, ils offrent un excellent confort. Mais une Aston, c’est bien plus que des qualités objectives. C’est surtout une ambiance inimitable, composée de matériaux de très grande qualité (Alcantara pour le pavillon, cuir pour les sièges et le tableau de bord) offrant de grands plaisirs tactiles, et d’un design sobre mais très, très élégant. On sent qu’on est dans une GT d’exception, quand les allemandes de très haut de gamme gardent toutes un parfum de grande série et les italiennes jouent la carte d’une sportivité débridée, parfois clinquante. Le graphisme des compteurs est à lui seul un moment de design. Un détail fâche cela dit : les commodos basiques et fragiles évoquent une Mondeo des années 90.

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Des cadrans superbes mais une instrumentation un peu pauvre.

 

J’ai dans la main un boîtier transparent, que j’insère et enfonce d’un coup dans le logement dédié installé dans le haut de la planche de bord. Les voyants s’illuminent, les aiguilles balaient les cadrans, le bruit aigu du démarreur se fait entendre. Et là, une seconde plus tard, la symphonie commence. Brom, le V12 s’éveille. Une sonorité profonde, complexe, sophistiquée. Jouissive dès le ralenti. A elle seule, elle suffirait presque à justifier l’achat de la voiture.

Je lève puis abaisse le frein à main de type ‘fly-off’ à gauche de mon siège et, en gardant le pied sur le frein, appuie sur la touche ‘D’ en haut de la console. Il n’y a pas de modes de conduite mais des touches éparpillées (détail trahissant l’âge de la conception) pour agir sur la carto moteur, l’échappement et l’amortissement. Autre élément démodé : l’écran du GPS, très petit, avec une cartographie et des graphismes Garmin, pas très haut de gamme. Cela dit, la navigation, fastidieuse à programmer (pas de molette mais un bouton circulaire que l’on pousse horizontalement ou verticalement pour sélectionner les lettres) apparaît infiniment plus efficace qu’avant.

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Pour la V12, Aston aurait pu demander à Garmin de lui créer un graphisme un peu plus classe.

 

L’embrayage s’engage sans brutalité aucune (pas un acquis avec ce type de système), et grâce à la visibilité correcte, on se sent vite à l’aise en ville. Tolérant, l’amortissement se révèle agréable malgré les jantes de 19 (mais je conseille de passer en ‘Sport’, ce qui limite les micro-mouvements de caisse et donc évite à la lèvre inférieure de bouclier de toucher ces  satanés ralentisseurs), le moteur docile et la boîte assez douce quand elle change de rapport. Bonne surprise.

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En mode normal, le V12 reste discret mais dès qu’on approche d’un tunnel, impossible de ne pas passer en ‘Sport’, d’ouvrir les vitres et de tomber un ou deux rapports pour mettre pied dedans. On est projeté en avant avec une vigueur propre à soulever les cuisses, l’arrière de l’auto se dandine un peu mais surtout, on a l’impression de se retrouver dans un peloton d’anciennes en train d’en découdre au Mans Classic ! Le hurlement du moteur se répercute sur les parois, avec force mais sans agressivité. Ça y est, on est revenu 50 ans en arrière, à une époque où les normes anti-bruit n’existaient pas. C’est beau.

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Longues, les palettes sont très faciles à actionner même volant braqué.

 

Dès qu’on a sollicité les longues palettes (d’une ergonomie pour le coup idéale) la boîte passe en manuel. Elle réagit alors de façon brusque au changement de vitesse, défaut que l’on atténuera en levant le pied quand les pignons s’engrènent. Elle se montre également un peu lente, évidemment par rapports aux unités à double embrayage dernier-cri mais aussi face aux anciennes boîtes Ferrari Superfast II équipant par exemple la 599 GTB. La V12 S apparaît néanmoins en progrès par rapport à la V8 équipée d’une transmission similaire, mais on rêve d’une commande mécanique.

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Le moteur ? Ah, le moteur. Il rattrape tout le bougre. Bourré de caractère, il est souple à bas régime, vigoureux en milieu de compte-tours et presque rageur à l’approche des 7 000 tr/min. Un gentleman qui sait se faire hooligan quand on le lui demande, mais toujours avec classe et raffinement. Il se révèle même plus musical qu’un V12 Ferrari actuel, qui joue plutôt sur le registre de l’efficacité et de la folie à l’abord du rupteur. Cela dit, le bloc d’une 612 Scaglietti (d’une génération antérieure) surpasse encore l’anglais auditivement mais dans la production actuelle, je ne vois guère qu’un V12 Lamborghini pour rivaliser avec ce dernier harmoniquement.

Alors oui, une Mercedes-AMG GT S pousse plus fort que l’Aston en ligne droite mais c’est au volant de celle-ci qu’on se sent le plus à l’aise. Plus civilisée, elle se révèle aussi plus progressive et profite d’une direction Servotronic à assistance hydraulique précise mais aussi merveilleusement communicative. De plus, elle apparaît idéalement calibrée (ni trop directe ni trop lente) et d’une consistance parfaite à mon goût.

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Sur autobahn, la Vantage V12 file droit comme un I jusqu’à plus de 250 km/h, aborde les grandes courbes dans un équilibre très rassurant (répartition des masses de 51/49), génère un niveau sonore toujours civilisé et ne se départit jamais de son confort, bien supérieur à celui d’une AMG-GT voire à celui d’une Ferrari FF et même… D’une Vanquish ! Bref, voici l’outil le plus raffiné qui soit (chez les GT) pour effectuer de grands voyages continentaux, d’autant que le coffre, pratique avec son hayon, avale suffisamment de bagages. En sus, la sono est d’une qualité excellente, l’éclairage nocturne meilleur que celui de la Vanquish et la conso routière peut ne pas dépasser les 14 l/100 km en moyenne.

Sur petite route, l’Aston subit un peu son poids (on la sent se déhancher sur les bosses prises en appui) mais se montre toujours relativement vive, précise et prévenante. Évidemment, il faut la respecter car avec 573 ch à disposition on ne la cravachera surtout pas comme une compacte sportive. Néanmoins, elle sait drifter sans effrayer, grâce à la progressivité de son moteur et son différentiel à glissement limité. Elle apparaît dans cette circonstance plus facile qu’une Ferrari California par exemple. Cela dit, avec son amortissement parfois insuffisant même en ‘Sport’, sa lourdeur perceptible et sa boîte, occasionnellement lente et brutale, elle commence à avouer son âge. De plus, elle est montée d’origine en Pirelli P Zero Corsa (255/35 à l’avant et 295/30 à l’arrière), des gommes à la peine dès que la chaussée est un tant soit peu grasse. Elle m’a ‘gratifié’ d’un coup de raquette à 230 alors que je remettais légèrement les gaz en courbe: bien fait de ne pas débrancher l’ESP ! Heureusement, elle dispose d’excellents freins, puissants, endurants, mordants et dotés d’une pédale communicative.

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Elle n’en demeure pas moins une machine formidable, aussi à l’aise en ville que sur route et autoroute, plus prévisible et confortable que bien des rivales tout en prodiguant une musique fascinante. Le tout avec un charme fou et une qualité générale rassurante : c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes paraît-il. Cela se vérifie avec cette Aston, vieillissante mais peaufinée à l’extrême et remarquable de mise au point.

Face à la concurrence

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181 398 €, c’est une sacrée somme, à laquelle on doit ajouter 8 000 € de malus. Mais toutes les concurrentes de l’Aston V12 Vantage S sont logées à la même enseigne. Et si on cherche un coupé à 12 cylindres, eh bien… C’est l’anglaise la moins chère, si l’on excepte la DB9 (179 381 €) ! Une Bentley Continental GT W12 revient à 197 000 €, une Mercedes S65 Coupé à 251 500 €, une Ferrari F12 à 272 695 € et une Lambo Aventador à 324 000 €. Mais ce sont des voitures plus imposantes et puissantes, rivalisant plutôt avec la Vanquish – 256 066 €). Dans la catégorie inférieure, on ne trouve plus de V12 mais l’offre demeure alléchante : à 187 153 €, on a une Ferrari California T plus moderne, efficace et dotée d’un toit rétractable. Mais elle est moins raffinée, moins musicale et plus tape-à-l’œil. A 144 000 €, la Mercedes-AMG GT S passe presque pour une bonne affaire (elle laisse du budget pour aller consulter son kiné) mais on entre dans la ‘grande série’, considération également valable si on lorgne du côté de la BMW i8 (146 050 € – 6 300 € de bonus) et de la Porsche 911 Turbo (dès 168 245 €). En somme, avec sa formule ‘petite caisse – gros V12’, l’Aston propose une formule unique et diablement attachante, même si dynamiquement, elle n’est pas au top.

Pour le reste

La V12 S est une auto très rare, puisqu’elle se vend moins en France que la Vanquish. Un authentique collector en (forte) puissance.

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Voici l’Aston que nous avons essayée, plus difficile à photographier avec sa teinte sombre.

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Essai Aston Martin V12 Vantage S, délicieuse cougar
Moteur V12, 5 935 cm3, CO2 : 343 g/km, Puissance 573 ch à 6 750 tr/min, Couple 620 Nm à 5 750 tr/min, Poids : 1 665 kg (2,9 kg/ch), 0 à 100 km/h 3,9 sec (constructeur) Vitesse maxi 328 km/h (constructeur) Prix de base 181 398 €, En vente Maintenant
Moteur90%
Comportement80%
Qualité et design85%
Confort et pratique75%
Emotion90%
Les +
  • Moteur fascinant et musical
  • Confort/praticité
  • Châssis équilibré
Les -
  • Ensemble un peu daté techniquement
  • Boîte dépassée
  • Poids
84%Note Finale
Note des lecteurs: (23 Votes)
81%

5 Réponses

  1. Rom

    Fabuleuse mais vieillissante. Un bon coup de jeune lui ferait du bien: même si le look a bien vieilli, le poids des ans commence à se faire sentir. Il en va de même mécaniquement. L’auto pourrait mieux honnorer son mervilleux V12 avec un chassis plus léger et plus rigide, une boite plus rapide… Mais on est tous d’accord que si elle ne peut rivaliser avec ses concurrentes question chrono, elle a un charme fou et est vraiment désirable.
    En revanche, question équipement, vous parlez de tous les boutons, c’est vrai qu’il y en a un paquet et qu’il en faudrait moins mais certainement pas un écran tactile. Il n’y a pas pire au quotidien entre la luminosité et les traces de doigts, rien de tel qu’une molette pilotant un menu clair et intuitif (façon I-Drive de BMW)

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