Puristes, fuyez. La nouvelle M5 se livre à une véritable orgie de turbos et ce, pour la première fois depuis le lancement de la série, en 1985. La 1ère M5, codée E28, se ‘contentait’ d’un 6 cylindres en ligne alignant 286 ch, puissance qui ferait pouffer plus d’un jeune encasquetté se prenant pour le roi de la route avec sa 320d tuning. Belle et digne avec son pare-brise raide comme un I, elle a cédé la place en 1988 à la toujours très actuelle E34, toujours mue par un 6 en ligne, de 315 ch (moteur 3.6) puis 340 ch (moteur 3.8). Là ça rigole moins, surtout qu’elle se passe de tout antipatinage, donc d’ESP (d’ailleurs inexistant à l’époque). Lui succède l’E39 en 1998, cette fois animée par un V8 4.9 de 400 ch et nantie de béquilles électroniques modernes tandis que la M5 E60 qui prend le relais en 2004 casse le moule esthétique. Elle se pare d’un V10 5.0 de 507 exclusivement accouplé à une boîte robotisée SMGIII. L’honneur est sauf avec une alimentation atmosphérique, et patatras ! La nouvelle F10 réduit sa cylindrée à 4 395 cm3 et se gave d’une paire de turbos, portant la puissance à 560 ch. La boîte reste automatisée obligatoirement, mais cette fois avec deux embrayages. Alors, cette nouvelle M5, bérézina ou progrès alléchant ?

 

La BMW M5 côté technique

Attention, rubrique difficile, à ne pas lire avant d’aller se coucher si on bave sur la M5 E28. De plus, par

pur sadisme, je vais commencer par les points noirs de la F10 M. Le poids par exemple : madame s’autorise 1 945 kg selon les normes UE, ce qui signifie qu’avec votre serviteur au volant, on atteint 2 035 kg, voire 2 036 si le repas de midi a été bon. Ensuite, comme on l’a dit plus haut, le moteur V8 (très similaire à celui des X5 et X6 M) passe à la suralimentation, normes européennes obligent, en l’occurrence avec deux turbos. Autre entorse sérieuse à la pureté génétique : la boîte, obligatoirement à double embrayage.
Bon. C’est tout ce que l’on pourrait trouver à redire en jouant les intégristes, car pour le reste, la M5 a de quoi faire frémir les glandes salivaires. Pensez donc : le moteur développe ses 560 ch de 6 000 à 7 000 tr/min (régime maxi de 7 200 tr/min) et ses 680 Nm de couple de 1 500 à 5 750 tr/min. De plus, les turbos (1,5 bar de pression s’il vous plaît) s’implantent dans le V du moteur (et non de part et d’autre des bancs), ce qui les rapproche des culasses, donc limite la longueur des conduits d’admission, mais aussi d’échappement. Ainsi, il y a moins d’air à pousser, donc moins de temps de réponse.
Cela a notamment été permis par l’installation d’un collecteur d’échappement central et unique (dispositif breveté) qui limite tout effet de contrepression. D’où là encore une réactivité théoriquement instantanée à l’accélérateur. Bon le reste, on retrouve les classiques de BMW : double calage des arbres à cames VANOS (admission et échappement donc), Valvetronic (réglage en continu de la levée des soupapes), et injection directe. Sauf que cette dernière, à solénoïde, peut envoyer plusieurs jets sur un cycle (non, on ne parle pas des pratiques d’un ancien ministre) avec une pression de 200 bars. Autre avantage de ce type d’injection, elle refroidit la température du mélange donc autorise un taux de compression plus élevé, d’où meilleur rendement.
Côté transmission, BMW se fournit comme Ferrari chez Getrag, donc la M5 dispose d’une boîte quasiment identique à celle des 458/California, que l’allemand dénomme M DKG Drivelogic (ça fait bien sur les plaquettes publicitaires). Il y a pire référence, surtout que de série est livré un différentiel à glissement limité (à embrayage multidisques) piloté électroniquement et verrouillant de 0 à 100 %. De plus, on échappe ici aux directions à assistance électrique, BMW s’en tenant à un système hydraulique à démultiplication et assistance asservie à la vitesse Servotronic.
La suspension recourt largement à l’aluminium pour les doubles triangles (à l’avant) et l’essieu multibras (à l’arrière). Elle se complète d’amortisseurs actifs à 3 lois. Bien sûr, une centrale électronique fait tout communiquer, de la boîte au moteur en passant par la direction, la suspension, le différentiel et l’ESP. Et le conducteur peut régler à sa guise la suspension, la cartographie d’accélérateur, la dureté du volant, la tolérance des aides électroniques, voire le comportement de la boîte.
Pour finir (enfin !), les freins s’avèrent généreusement dimensionnés, avec des disques compound de 400 mm à l’avant (étriers fixes à 6 pistons) et 396 mm à l’arrière (étriers flottants).
Je ne sais pas pour vous, mais personnellement, j’ai envie de passer à bord.

A bord de la BMW M5

 

 

 

 

 

 

Les designers en sont revenus à un style plus classique pour la planche de bord, et on les en remercie, car on aime la console centrale orientée vers le conducteur. Impeccable, l’assemblage s’accompagne de matériaux de première qualité et les sièges s’avèrent parfaits. Tout le corps se voit impeccablement soutenu et une souplesse bien agréable vient prendre soin des popotins les plus susceptibles.
Au tableau, l’afficheur central permet de tout paramétrer dans une certaine simplicité, on a même accès à la température de divers organes de la voiture, dont celle des pneus. La molette iDrive s’avère simple et les diverses commandes bien repérées. A l’évidence, on a soigné l’ergonomie. A l’arrière, l’espace habitable apparaît digne d’une familiale mais je regagne l’avant où grâce à l’amplitude des réglages (tous électriques) je me concocte une position de conduite de rêve. On est assis plus bas que dans une Classe E AMG, mais manque tout de même la ventilation des sièges (on prend vite le goût du luxe).
On profite tout de même d’un afficheur tête haute, dont de toute façon je ne me sers jamais : le paysage est bien assez compliqué comme ça !
Mode oblige, on doit se satisfaire d’un démarrage sans clé (pouah) et surtout d’un frein à main électrique (re-pouah). Enfin, le petit levier de vitesses, certes très joli, s’avère d’un maniement totalement contre-intuitif.
Pression sur le bouton de démarrage, routes d’Espagne nous voilà !

Sur la route avec la BMW M5

Autant le dire tout de suite, le V8 ne profite pas d’une musicalité évidente. A bas régime, il rappelle un vulgaire 4-cylindres. En ville, je règle tout au plus souple, direction, boîte, suspension, moteur : la M5 se comporte en paisible et confortable familiale, surtout que la boîte s’avère d’une douceur absolue et d’une gestion impeccable. Mais dès qu’on sort de la ville, bon, on ne peut s’empêcher d’ouvrir en grand. Sur le volant, on dispose d’une touche d’accès direct à deux préréglages. J’opte pour le plus radical : direction et suspension au plus ferme, boîte et moteur sur leurs modes les plus acérés.  BMW annonce un 0 à 100 km/h en 4,4 sec et un 1 000 m DA en 21,9 sec. Ça pousse tellement fort (dans une sonorité étrange de 5-cylindres puis de V8) qu’on trouve ces chiffres presque pessimistes. Rapidement, sur autoroute (allemande évidemment), on bute sur le limiteur (dès la 4ème, à 255 km/h compteur), enclencher manuellement les trois rapports restants ne faisant  pas avancer la voiture plus vite.  Toutefois, en option, on peut porter la vitesse de pointe à 305 km/h.
Tout va pour le mieux tant que la route est lisse. Mais arrivent quelques irrégularités, et en mode ‘Sport +’, on saute au plafond. Sans rire ! Les réactions se montrent incroyablement raides, on a parfois l’impression que la voiture décolle. Elle reste au sol mais dévie quelque peu de sa trajectoire si ces bosses interviennent en virage. Du coup, on passe la suspension sur le mode intermédiaire, qui demeure ferme mais finalement bien plus polyvalent, le plus souple engendrant des mouvements chaloupés.
Autre ennui, la motricité. Sur ces chaussées relativement peu adhérentes, l’antipatinage intervient sans arrêt, provoquant quelques secousses. Voilà qui gêne sérieusement la fluidité de l’avancement, et si on débranche les aides, on doit là encore lever le pied pour éviter les dérobades du train arrière. A quoi bon disposer d’autant de Nm  si on ne peut les exploiter ? Assurément, le ratio couple/motricité n’est pas idéal, malgré les pneus Michelin Pilot Super Sport (295/35 R19 à l’arrière et 265/40 R19 à l’avant). Sur le mouillé, ce doit être… à s’arracher les cheveux.
En montagne, la M5 parvient joliment à faire oublier son poids en alliant agilité et précision. La direction s’avère bien calibré et joliment consistante, mais si elle communique bien mieux que celle d’une E63, elle reste en-deçà de celle d’une Cadillac CTS-V ou d’une Maserati Quattroporte. Rien de rédhibitoire cela dit. Mais gare au lever de pied, l’arrière peut se montrer allègre, malgré l’ESP. Une fois le mode d’emploi assimilé, on profite de la réactivité fascinante du V8 et surtout, de cette boîte d’anthologie. Douce en mode confort, elle devient presque agressive en ‘Sport +’. On sent littéralement les rapports s’engrener et ce, dès qu’on effleure la palette. Le meilleur système actuel avec celui (et pour cause !) de Ferrari. Même quand on passe le rapport au limiteur, elle reste douce, ce qui n’est le cas ni avec la ZF d’Aston Martin ni avec MC Speedshift (et a fortiori la 7G-Tronic) de Mercedes.
Quant aux freins, ils suffisent largement sur route, tant côté puissance qu’endurance, encore qu’ils grognent curieusement.
Nous avons l’occasion de rouler sur la très abrasive piste d’Ascari. Là, les problèmes de motricité de la M5 disparaissent, et on profite de toute la puissance du moteur. Du coup, cela met en valeur une faiblesse des freins, autrement invisible. En effet, la BMW atteint des vitesses surprenantes, de l’ordre de 230 km/h entre deux courbes, et on doit effectuer des ralentissements puissants. On constate alors qu’ils manquent nettement de vigueur au-dessus de 200 km/h. A tel point que lorsque je freine ½ seconde trop tard, je dois tirer tout droit dans le bac à graviers (voir la vidéo ci-dessous), la voiture ne s’étant pas suffisamment ralentie pour pouvoir tourner.
Un défaut majeur, comme certains de nos confrères l’ont noté ? Que non pas, la M5 n’est pas une voiture de circuit.

 

 

Le bilan

L’ensemble moteur/boîte est formidable. Pas d’autre mot. L’un se montre puissant, hyper réactif, souple et fait
oublier qu’il est suralimenté. L’autre apparaît comme le prolongement idéal des doigts. Vive, parfaitement gérée et douce dans ses changement en mode automatique, elle offre un feeling mécanique quand on la prend par les palettes en mode manuel. Géniale ! Non, le seul défaut concerne la suspension : mieux vaut des amortisseurs bien réglés que bien réglables. Or, le châssis de la M5 n’est jamais fluide, toujours ou trop souple ou trop raide. Des progrès sont ici nécessaires. Quant à la consommation moyenne annoncée à 9,9 l/100 km : vaste rigolade ! En conduite sportive, on passe largement les 30 l/100 km au global, et on peut tabler sur 14 l/100 km en usage normal.
Quant au prix de 117 000 €, il reste correct compte tenu de la concurrence (c’est presque celui d’une Classe E AMG et c’est moins que pour une Quattroporte) mais une Cadillac CTS-V s’en tient à moins de 90 000 €. Quant à savoir si la M5 se montre digne de son aura : OUI. Elle reste une machine authentiquement exceptionnelle.

S.S.

 

 

Essai vidéo BMW M5 : Le souffle lourd
BMW M5 (F10) Moteur V8, 4 395 cm3, biturbo CO2 232 g/km Puissance 560 ch entre 5 750 et 7 000 tr/min Couple 680 Nm entre 1 500 et 5 750 tr/min Transmission Boîte 7 DCT, propulsion, diff. à gliss. limit., ESP Suspension avant Doubles triangles, ress. hélic., amort. électroniques, barre antiroulis Suspension arrière Essieu multibras, ress. hélic., amort. électroniques, barre antiroulis Freins Disques ventilés, AV : 400 mm, AR : 396 mm, ABS, EBD Jantes AV : 9 x 19, AR : 10 x 19 Poids 1 945 kg (norme UE) Poids/puissance 3,47 kg/ch 0 à 100 km/h 4,4 sec (constructeur) Vitesse maxi 250 km/h (limitée), 305 km/h (option) Prix de base 117 000 €
Moteur85%
Comportement80%
Qualité & Design85%
Confort & Pratique70%
Emotion80%
LES +
  • Moteur et boîte fabuleux
  • Performances exeptionnelles
  • Polyvalence
LES -
  • Freins parfois juste
  • Suspenstion rarement bien accordée
80%Note Finale
Note des lecteurs: (4 Votes)
81%

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