Mine de rien, voilà 8 ans que l’A3 arpente nos routes.  Audi a déjà présenté le concept de sa remplaçante lors du dernier salon de Genève, aussi les jours l’actuelle compacte annelée sont-ils comptés. Pourtant, pour égayer ses vieux jours, elle enfile la tenue RS, dans l’espoir d’attirer sur elle les projecteurs, afin de ne pas voir ses ventes s’écrouler avant son remplacement, prévu pour la fin 2012. Mais n’est-elle pas un peu vieille pour recevoir ce traitement de choc ?

 Technique

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Ferdinand Piëch a fait du groupe VW un immense Meccano, aussi, pour créer la RS3, il a suffi de se servir dans les organes déjà existants. Le moteur ? C’est celui de la TT RS, un 5-cylindres en ligne de 2 480 cm3, lointain dérivé du groupe équipant la Jetta américaine. Fabriqué en Europe, son bloc se compose de fonte à graphite vermiculaire, un matériau très résistant habituellement apanage des mécaniques diesels. Une telle résistance a permis d’amincir ses parois et ainsi, de contenir son poids (184 kg). Comme il est à course longue, il limite l’alésage de ses cylindres pour demeurer compact, ne dépassant pas 494 mm de long. Par ailleurs, ses pistons sont forgés, la culasse coulée en alliage d’aluminium et les soupapes refroidies au sodium.
Pour compenser sa faible aptitude naturelle aux hauts régimes (longue course oblige), on lui a greffé un gros turbocompresseur à double flux qui souffle au maximum à 1,2 bar. Associé à une injection directe, il permet de tirer 340 ch du moteur, de 5 400 à 6 500 tr/min (rupteur à 7 000 tr/min) pour un couple de 450 Nm, disponible entre 1 600 et 5 300 tr/min.  Signe qu’on essaie de se dévergonder chez Audi, on a installé un échappement doté d’une soupape qui s’ouvre à la demande pour libérer la sonorité de la mécanique.  Voilà qui devrait rappeler les Quattro du bon vieux temps, quand leur hurlement typique semait la terreur en championnat du monde des rallyes. A propos de Quattro, la RS3 s’équipe logiquement d’une transmission intégrale, dont le différentiel central multidisques de type Haldex est piloté électroniquement. L’avant reçoit la grande majorité du couple en usage normal, mais le cas échéant, la force du moteur peut être basculée sur l’essieu arrière, qui malheureusement se passe de vectorisation du couple, même en option.

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Côté boîte de vitesse, la RS3 a uniquement droit à une unité DSG à double embrayage à 7 rapports, les amateurs de changement manuel devront se rabattre sur la TT RS, qu’Audi présente d’ailleurs comme la version à 3 portes de cette compacte déclinée uniquement en carrosserie Sportback. Pourquoi la DSG ? Parce que le coupé se vend très majoritairement avec cette transmission, qui présente en outre l’avantage d’abaisser légèrement les consommations, et donc, les émissions de CO2 (9,1 l/100 km en moyenne pour 212 g/km de CO2 dans le cas de la RS3).
Malgré son poids conséquent de 1 575 kg, la RS3 est annoncée à 4,6 sec sur le 0 à 100 km/h (avec l’aide du Launch Control), un chiffre record dans la catégorie. La vitesse maxi se bride à 250 km/h.
Pour encaisser toute cette puissance, la coque de la RS3 a été renforcée, à l’image de sa suspension (McPherson à l’avant et multibras à l’arrière), de ses disques de frein ventilés et perforés (370 mm pour la proue et 310 pour la poupe), pincés à l’avant par des étriers à 4 pistons, ainsi que de sa barre antiroulis creuse.
Les pneus ne sont pas en reste mais curieusement, ils sont plus larges à l’avant (235/35 R19) qu’à l’arrière (225/35 R19). Doit-on deviner que la RS3 va se comporter en simple traction ?

Au volant

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Pas de chichi chez Audi : la RS3 récupère la planche de bord austère et bien réalisée des autres A3, ne s’autorisant comme seule fantaisie qu’un volant à méplat, des surpiqûres rouges et des sièges baquets en option.  Ah, j’allais oublier, un bataillon d’inscriptions RS3, dont une dans le compte-tours, au graphisme au demeurant totalement banal. La finition se révèle impeccable, Audi oblige, malgré quelques plastiques désuets. Manque  d’exclusivité ? Mais Audi Exclusive vous propose un catalogue complet d’accessoires,  des sièges à coque de la couleur de la carrosserie (2 300 € tout de même), à la sellerie cuir Nappa étendue (3 990 €, ah ça fait mal), en passant par des surtapis à 590 € ou une jante de volant en suédine à 480 €. Vu le prix de vente carrément hostile de 55 400 €, on s’attend à découvrir un équipement pléthorique. Je dois être un grand naïf, puisque qu’il faut encore bourse délier pour bénéficier d’un GPS (1 940 €), mais aussi de sièges électriques (800 €), voire d’un filet de coffre (90 €) et même de fixations Isofix (100 €), ce qui fait un peu désordre sur une voiture présentée comme sportive mais familiale aussi. On comprend mieux comment Audi arrive à dégager une marge bénéficiaire de 9,4 %…
Spectaculaires, les baquets à revers rouge s’avèrent aussi très confortables. Je suis impeccablement installé au volant réglable en hauteur comme en profondeur, je tourne la clé et rendez-vous au chapitre suivant.

Mine de rien, avec ses jantes à rebords rouges (240 €), son pack esthétique en aluminium mat (comprenant, pour 950 € des rétroviseurs couleur argent, reprise sur des filets ornant notamment les grilles du bouclier avant et les poignées de porte) et ses prises d’air béantes sur le bouclier avant, la RS3 attire le regard des passants monégasques, qui devinent qu’elle a quelque chose de spécial. Effectivement.

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En ville, elle se conduit comme une TSI 160, tant elle se fait oublier. Oui, la direction est censée être plus directe, oui la suspension est renforcée, mais tout est bien coordonné, pour donner une impression d’homogénéité totale. La boîte DSG égrène les rapports tout en douceur, le moteur ronronne gentiment, bref, on s’ennuie. Une pression sur la touche ‘Sport’ de la console centrale libère le feulement rauque du 5-cylindres, mais il reste loin des aboiements hystériques d’un V10 de Lambo Gallardo. Bien sage tout ça.
Vite, nous quittons ce bubon bling-bling qu’est Monaco pour rejoindre Sospel via une route plus tortueuse qu’un programme politique. Dès la première ligne droite, j’enfonce l’accélérateur, histoire de jouer un peu. Mes amis, quelle poussée ! Le virage nous saute pratiquement au pare-brise, heureusement que les freins réagissent puissamment. Dans sa sonorité atypique mais très agréable, le moteur nous a catapultés en avant avec une vigueur qui ne déparerait pas dans une Audi R8. Souple et docile en bas, presque creux, il se met à pousser comme un fou vers 2 000 tr/min, pour atteindre comme une fleur empoisonnée les 7 000 tr/min de la zone rouge.  Certes, le rugissement rappelle effectivement celui des Quattro, mais il s’avère trop étouffé, en tout cas bien plus que dans la TT RS, même quand la fameuse soupape de l’échappement est ouverte.  C’est en tout cas la puissance du moteur qui domine l’expérience de conduite, le reste de la voiture s’avérant d’une homogénéité déconcertante. J’utilise ce mot à dessein, car il signifie que la RS3 n’est pas joueuse, à l’image d’une Mégane R.S., qui balance gentiment son popotin si on la provoque.
L’Audi s’inscrit en virage avec du mordant mais sans excès, enchaîne les changements d’appui sans entrain mais sans paresse non plus, renvoie ce qu’il faut d’informations mais pas plus et se place très légèrement de la poupe si on la provoque avec le frein, mais en restant sage. Elle donne une immense impression de maîtrise, de facilité : à son volant, on tient des cadences affolantes sans la moindre trace de sueur, phénomène dans lequel la climatisation n’est pour rien !
Seulement, autant une Focus RS ou une Mégane R.S. acceptent d’être menées au-delà de leurs limites, autant, quand on cherche celles de l’Audi, on est un peu déçu. En sortie d’épingle, la DSG manque de réactivité et le moteur de répondant (eh oui, son turbo conserve un léger temps de réponse), ce qui se traduit par un à-coup quand les rivales pré-citées évitent cet écueil par un petit-talon/pointe. Alors, on prend manuellement le contrôle de la DSG. Problème, les palettes, bien trop courtes et solidaires du volant, s’avèrent peu accessibles et peu réactives.  De belles tiges en aluminium n’auraient pas déparé. Du coup, on s’en remet au levier, mais l’électronique empêche certains rétrogradages, pourtant mécaniquement sans danger. Agaçant.

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Néanmoins, et contrairement à d’autres, la boîte refuse quoi qu’il arrive de passer le rapport supérieur en mode manuel. Un bon point.
ESP (partiellement) débranché, la RS3 conserve le même comportement, où le train avant prime sur tout le reste. Tout au plus notera-t-on quelques pertes de motricité sur la roue arrière intérieure au virage quand on y va vraiment fort, signe d’un différentiel arrière à vectorisation de couple (comme sur la RS5) n’aurait pas été de trop, sans même parler d’une programmation de la transmission, à l’image de ce que propose une Subaru Impreza STI.
Pas de suspension active non plus, ni même en option. Souci ? Pas vraiment, le set-up de base de la RS3 est très bien évalué. Un peu sec à basse vitesse, il encaisse bien les grosses aspérités sans provoquer de délestage intempestif et garantit un confort convenable sur autoroute.
Restent les freins. Très généreusement dimensionnés, ils finissent tout de même par rendre les armes au fil des pressions administrées par un journaliste qui se chausse chez son plombier. Cela se manifeste plus par des odeurs désagréables que par une perte d’efficacité sensible. Toujours est-il qu’à la fin de la journée, les disques bleuis grognaient et tremblotaient comme un parkinsonien acariâtre.
Sur autoroute, cette supercar en habits de compacte dispense des reprises proprement vertigineuses, tout en offrant un aplomb d’airain et une tenue de cap d’une rectitude à coller des complexes à un ministre qui se décrit comme droit dans ses bottes.  C’est là que se trouve, selon moi, le vrai terrain de jeu de la RS3, qui largue sans sommation n’importe quelle autre compacte.
Finissons par la botte secrète de cette Audi corsée : le lauch control. On se met en mode ‘Sport’, pied sur le frein et on accélère. Le moteur se place à 4 000 tr/min environ, on relâche la pédale du milieu et baoum ! Une force invraisemblable vous imprime les coutures du siège dans le dos et vous passez les 100 km/h  en 4,6 sec, un temps annoncé par Audi qui n’a strictement rien d’optimiste.

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Une compacte aux performances de supercar. Voilà l’essence de cette RS3, capable de se déplacer à des cadences aussi hallucinantes que faciles à entretenir.  Certes, on pourra lui reprocher de ne pas offrir un châssis vraiment malléable (elle se repose totalement sur son train avant, avec pour conséquences des pneus très vite râpés comme de la croûte de gruyère), interdisant des figures amusantes. On pourra aussi lui reprocher de ne pas épouser la route, d’agir plutôt comme un rouleau compresseur. Mais après tout, c’est ce que les clients Audi semble apprécier : dominer la route sans effort, dans une sensation de sûreté totale.
Reste que si  le choix de la DSG imposée paraît évident d’un point de vue commercial, il est plus discutable pour le conducteur sportif et surtout, la politique tarifaire frise le délire, du moins en France où elle coûte 5 000 € de plus qu’en Allemagne sans que ça ne se traduise par un équipement plus complet. Les adeptes des anneaux n’en auront cure, cette RS3 représentant déjà pour eux un collector.  Cela dit, à 55 400 €, aucune voiture à 5 portes ne propose des performances ne serait-ce qu’approchantes à celles de cette allemande ultra-homogène mais bien plus gourmande qu’annoncé : 23 l/100 km en conduite sportive, ce qui n’a rien de scandaleux vu la puissance disponible.

Face à la concurrence

Quelle concurrence ?

Pour le reste

L’Audi RS3 est déjà une sorte de collector, d’autant qu’elle n’a pas été remplacée.

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Essai Audi RS3, une supercar en habits de compacte
Moteur : 5 cyl. en ligne, 2 480 cm3, turbo, CO2 : 212 g/km, Puissance maxi : 340 ch à 5 400 tr/min, Couple maxi : 450 Nm à 1 600 tr/min, Vitesse maxi : 250 km/h (limitée), 0 à 100 km/h : 4,6 sec (constructeur), Prix neuf : 55 400 € (2011), Cote 2014 : à partir de 29 000 €
MOTEUR95%
COMPORTEMENT81%
QUALITE & DESIGN85%
CONFORT & PRATIQUE80%
EMOTION75%
Les +
  • Performances ébouriffantes
  • Facilité
  • Sécurité
Les -
  • Prix/équipement
  • DSG lente
  • Châssis peu joueur
83%Note Finale
Note des lecteurs: (10 Votes)
69%

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