Selon toute vraisemblance, conduire cette Panamera sera un grand moment, d’autant qu’elle devrait redéfinir les normes de la catégorie. Cela dit, même si cela se confirme, elle ne me mettra sûrement pas l’eau à la bouche. En effet, quand j’ai aperçu la berline Porsche pour la première fois dans le parking mal éclairé du sous-sol de l’hôtel Dorint au Nürburgring, je l’ai trouvée grosse, lourde et un peu sinistre. A présent, étincelant sous le soleil, garée devant l’usine Porsche de Zuffenhausen, elle paraît toujours grosse, lourde et… pas extrêmement engageante.

Quelle importance ? Après tout, le 4×4 Cayenne n’a lui non plus rien d’un prix de beauté, ce qui ne l’a pas empêché de rencontrer un grand succès, surtout sur les marchés des pays émergeants, où certes il y avait très peu de fans de supercars pour s’offusquer de son apparition. D’après la présentation qu’on vient de donner, je devine qu’on attend beaucoup de ces zones pour la Panamera également, surtout qu’on a bien indiqué qu’elle se prêtait parfaitement à un usage avec chauffeur.
Ce ne serait qu’une corde de plus à son arc. Selon Porsche, la Panamera satisfait à nombre d’exigences contradictoires. Prenons par exemple la version de notre essai, une S d’entrée de gamme, facturée 96 133 €. Équipée d’un V8 de 400 ch, cette propulsion de 1 800 kg atteint, une fois équipée de la boîte PDK optionnelle, les 100 km/h en 5,6 sec pour 285 km/h en pointe. Dotée (contre supplément) de la suspension pneumatique, elle serait à la fois capable de surpasser le confort de roulement d’une Mercedes Classe S et de conserver la sportivité d’une vraie Porsche.

Sans aucun doute, le constructeur s’est crevé la paillasse pour que sa berline devienne la meilleure de sa catégorie, mais justement, quelle est-elle ? Son ennemie jurée, à première vue, serait la Maserati Quattroporte, qui l’écrase par sa beauté. Il faudrait compter aussi avec les BMW M5, Mercedes CLS63 AMG, Audi RS6 et Jaguar XFR. Sans oublier l’imminente Aston Martin Rapide et, peut-être, la Lamborghini Estoque, des autos dans la ligne de mire de la Panamera Turbo qui, avec ses 500 ch et sa transmission intégrale, revient à 136 917 €. Pour une fois, je débute mon essai depuis la banquette, ou plutôt un des sièges arrière, cette voiture n’étant conçue que pour quatre personnes, le gros tunnel de transmission scindant l’habitacle en deux. On s’y trouve bien, sans sensation de confinement, malgré la ceinture de caisse très haute. La teinte biscuit clair de sellerie cuir aide certainement. Le dessin de cet habitacle s’avère remarquablement réussi, avec des détails finement taillés dans du bois et de l’aluminium, des coutures impeccables et une très belle qualité perçue. Bien meilleure que dans toutes les autres Porsche ! Le confort de la suspension pneumatique s’avère lui aussi excellent, alors que les bruits d’air et de roulement se signalent par leur absence. Tout ceci est bien joli, mais une Porsche avec chauffeur, c’est bizarre.
Il est temps de migrer vers l’avant. Comme on s’y attend, on se trouve très bien aussi au volant, avec une position de conduite parfaite, même si on aurait aimé un volant légèrement plus grand. En fait, c’est celui de toutes les Porsche équipées de la PDK : on aurait préféré un élément plus spécifique. Le tableau de bord flatte l’œil et l’on retrouve l’habituel ensemble de 5 cadrans. De part et d’autre du levier de vitesse, on découvre deux rangées de boutons, répartis très logiquement et d’une préhension facile. Porsche refuse l’iDrive et c’est tant mieux. Le V8 4.8, dérivant de celui du Cayenne, reçoit une injection directe, voit son poids abaissé et offre de meilleures performances. De série, la Panamera S hérite d’une boîte manuelle à 6 rapports, ici remplacée par une PDK à 7 pignons, bénéfique à la consommation, surtout avec le dispositif Stop and Start, une première dans la catégorie, si l’on excepte la Lexus LS600h. Le moteur, silencieux au ralenti comme en régime de croisière se montre un peu bourru quand on le cravache. Il offre juste assez de punch pour conférer à la Panamera un caractère sportif décent, ce qui signifie que la V6 3.2, prévue pour septembre, pourrait se montrer sous-motorisée. Pour sa part, la boîte PDK se montre aussi réactive que dans une 911, mais plus douce encore, et elle gagne encore en vivacité quand on a sélectionné le programme ‘Sport’. Cependant, le système Stop and Start perturbe quelque peu cette belle fluidité au moment où la voiture redémarre (on déclenche le système en gardant le pied sur le frein à l’arrêt). . Initialement, la direction semble un peu légère et la pédale de frein spongieuse en début de course, ce qui n’augure rien de bon pour la conduite sportive. Heureusement, la voiture s’aiguise nettement au-delà des 50 km/h. Nous avons découvert de belles routes, aux longues courbes rapides, que la grande Porsche a littéralement avalées. Elle mord instantanément le virage, sans aucune inertie, ni aucune amorce de dérive ce qui, compte-tenu de son poids s’avère très rassurant et permet d’oublier les kilos. Elle encaisse bien les aspérités, même si on entend que la suspension a beaucoup à faire, mais les passagers demeurent très bien préservés. Cela dit, le conducteur n’a jamais l’impression que la voiture rétrécit autour de lui, comme le fait une Quattroporte par exemple.

D’origine, la Panamera reçoit des jantes de 18 pouces, mais la nôtre roule sur des 19 montées sur des pneus légèrement plus larges et bas. Sur le sec, la motricité est totale alors que l’adhérence en courbe impressionne, d’autant plus que les gommes Michelin sont du type à faible résistance à l’avancement. La suspension à air autorise un léger roulis et si on la pousse à sa limite, la voiture devrait commencer par sous-virer. En théorie. En pratique, je n’ai pas pu vérifier car j’ai oublié de rebrancher l’ESP après avoir effectué des tests de motricité. Je passe pour la 4ème fois un long virage à négocier en 3ème, pour la photo, plus vite, en accélérant plus fort, et hop, l’arrière survire. En toute sécurité, car le châssis gérant impeccablement la masse de la voiture, la dérive se contrôle très facilement. Dynamiquement, le bilan est donc très positif mais côté sensations, l’expérience est-elle mémorable ? La suspension pneumatique optionnelle (1 961,44 €) confère à la Porsche une gamme de compétences très large : elle peut se montrer aussi douillette qu’une limousine et aussi rigoureuse qu’une bonne sportive. De ce point de vue, elle bat les Quattroporte et Jaguar XFR. Cela dit, en usage courant, malgré le comportement routier impeccable et l’énergie des 400 ch, on n’éprouve aucun frisson. Enfin, on finit par sortir de cet habitacle somptueux et on se rappelle à quel point la Panamera est moche. Ça me refroidit complètement. Il faut vraiment être hypnotisé par son blason pour passer outre.

J.B.

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